Secrétaire de l'Inspection académique lors de l'invasion de la France par les nazis " ... Monsieur PUECH aurait pu se contenter d'assumer ses responsabilités, avec compétence, dans cette période troublée. Il fit bien davantage.
1940, la France occupée vit un drame, sans doute unique dans son histoire. Après l'effondrement et le désarroi, pour un certain nombre de Français, ce fut le temps de l'attente, de l'interrogation, du choix.
Alors des profondeurs du pays meurtri, quelques poignées de volontaires, hommes et femmes, surgissent de l'ombre, minorité hétéroclite, prête à tous les sacrifices. Ils s'étaient engagés avec leurs forces et aussi leurs faiblesses, mais comme l'a dit André Malraux " l'essentiel était de participer " .Venus de tous les horizons politiques, philosophiques, ethniques, sociaux, ils ne se demandaient pas s'ils étaient de droite et de gauche ; ils étaient tout simplement la France qui refuse la défaite et l'humiliation.
M. PUECH était de ceux-là et il entre dans l'action clandestine : fausses cartes d'identité pour les jeunes instituteurs appelés au service du travail obligatoire en Allemagne ; recherche et transmission de renseignements, en liaison avec le réseau libération-Sud, hébergement de clandestins, contacts avec les maquis. Tout cela le plus naturellement du monde, dans le plus pur esprit de devoir et de patriotisme.
Cette lutte obscure devait prendre fin le matin du 27 janvier 1944, date de son arrestation par la Gestapo, à son arrivée dans les bureaux de l'inspection académique de Laval.
Pour Monsieur PUECH, le long calvaire va commencer : interrogatoires, avec tout ce que cela comporte de sévices. Il ne parlera pas : prisons de Laval, du Mans, camp de transit de Compiègne et enfin le camp de concentration de Mauthausen où il arrive en avril 1944. Et là c'est l'enfer.
Rude fut l'épreuve des camps de concentration. Broyés dans ce dantesque et monstrueux univers, les déportés étaient de pauvres fétus de paille ballottés au vent de l'histoire, dans ces lieux de cauchemar où l'on demandait aux hommes de supporter l'inhumain. Un travail harassant, les coups, le froid, la faim, l'humiliation étaient leur lot quotidien, jusqu'à la mort, anonymes, dans ce troupeau misérable.
On avait brisé leur corps, mais pas leur espérance. C'étaient le suprême et dernier combat marquant la prédominance de l'esprit sur la matière et c'était déjà leur première victoire sur le nazisme.
Peu de déportés revinrent des bagnes hitlériens et M. PUECH décéda à Mauthausen le 26 septembre 1944.
L'activité dans la Résistance de ce membre éminent de l'enseignement public, s'inscrivait tout à fait dans un idéal conforme aux principes et aux valeurs de ce grand Service national de la France, qui demeure, envers et contre tout le pays des droits de l'homme et de la liberté, de la tolérance.
Héros national de l'indépendance polonaise, le Maréchal PILSUDSKI disait " quand on est dans une situation angoissante et qu'on ne sait quel parti prendre, il vaut mieux prendre le parti de l'honneur. Toutes les solutions ont leurs inconvénients, si on a pris le parti de l'honneur, on sait que l'honneur vous restera "
Monsieur PUECH avait pris le parti de l'honneur. Il avait rejoint cette phalange qui, des bords de la Tamise jusqu'aux sables des déserts du Tchad, de Bir-Hakeim, avec Leclerc et les F.F.L., avec ceux des réseaux de renseignement, avec Jean Moulin, les F.F.I., les F.T.P. ceux des maquis, qui avaient répondu à l'appel du 18 juin.
Avec tous nos alliés, c'était le combat planétaire pour la liberté, contre la barbarie. Près d'un demi-siècle s 'est écoulé depuis les évènements. Les totalitarismes s'effondrent et l'Europe se construit. Mais la défense de la liberté est toujours d'actualité. C'est le message que les survivants de cette époque dramatique et lointaine souhaitent transmettre aux jeunes, toujours idéalistes et généreux. Demain ils seront notre mémoire.
Et là dans ce collège, aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de penser à ces jeunes lycéens de Paris, qui, il y a tout juste 50 ans, remontèrent les Champs Elysées, pour aller s'incliner sur la tombe du Soldat Inconnu , bravant les forces d'occupation, dans un geste symbolique de refus de l'asservissement hitlérien. Ils étaient l'avant garde de la Résistance. Bien souvent elle coûte cher la défense de la liberté. Monsieur PUECH, comme beaucoup de membres de l'enseignement, l'a payée de sa vie.
Voilà brièvement qui était Monsieur Fernand Puech. Chevalier de la Légion d'Honneur en 1950 à titre posthume, il a honoré l'Education Nationale et ce collège de Laval peut être fier de porter son nom."

Discours prononcé par M. Le Roy
le 17 novembre 1990
à l'occasion de l'inauguration du collège Fernand Puech